Cette réaction du président gabonais Ali Bongo Ondimba à l’annonce de la mort mardi dernier du doyen de la Cour constitutionnelle, Dr Hervé Moutsinga, est chargée de significations.
L’homme qui quitte ses terres représente un véritable symbole car faisant partie de l’une des premières cuvées de médecins gabonais formés à un moment où le pays en manquait cruellement, c’est- à- dire où ce « produit » était denrée rare et où les disciples d’Hyppocrate étaient fidèles à l’esprit du serment qu’ils avaient prêté, serment qui leur ouvrait les portes des structures hospitalières, des blocs opératoires, des salles de consultation et d’hospitalisation, j’en passe.
Mais, c’est beaucoup plus en politique que le sobre mais efficace médecin va être appelé à servir. Il était question dans les années suivant les indépendances de remplacer graduellement s’entend, l’ancienne administration coloniale par des cadres locaux. C’est dans ce contexte que dans le début des années 60, alors qu’il rentrait fraîchement de l’Hexagone, diplôme de Doctorat de médecine en poche, il frappera dans l’œil des plus hautes autorités du pays qui très vite l’associent à l’immense œuvre de construction nationale en lui confiant des fonctions accaparantes au sein du gouvernement, mais aussi dans le Parti démocratique gabonais (PDG) qu’il servira sans discontinuer jusqu’au soir de sa vie.
En dépit de ses lourdes charges, sa conscience professionnelle ne le quittera jamais au point de souvent le conduire au chevet des patients à ses « heures libres ». Homme pétri de talent et à l’humanisme avéré, Docteur Hervé Moutsinga comptait parmi ces sages que l’on dit fidèles en amitié et en politique, un modèle de probité, de dévotion, de courage sans qu’il n’ait visiblement donné des gages, son caractère affable contrastant avec celui de bon nombre de PDGistes tapageurs pour qui tout ce qui compte, c’est hurler tels des loups, alors qu’ils sont beaucoup plus attendus sur les faits. Cette nature avait tellement plu à feu Omar Bongo Ondimba qui, après l’avoir mis à l’épreuve dans différents gouvernements, cru bon en 1998 de solliciter sa grande expérience de commis de l’Etat, à la Cour constitutionnelle, ce n’est pas peu dire pour qui connait les missions de la gardienne de la Loi fondamentale, en l’y nommant juge constitutionnel, fonctions qu’il exercera jusqu’à son départ dans l’au-delà.
Anecdote pour anecdote, nous avons toujours à l’esprit l’émotion qu’il dégagea lorsqu’il fut fraîchement admis au gouvernement et que l’un des doyens politiques de la province de la Nyanga en la personne de feu Valentin Mihindou-Mi-Nzamba, avait le devoir de le présenter aux populations de sa province natale. A l’étape de Moabi où nous nous trouvions, Dr Hervé Moutsinga, visiblement satisfait n’hésita pas de s’exclamer: « Djia Hindou m’a beaucoup présenté ! ». Un soupir qui laissait transparaître une forme de reconnaissance que venait bercer chaleureusement le timbre particulier de sa voix, typique des enfants ayant fréquenté l’école catholique d’antan.
Jérémie- Gustave Nzamba