Nous avons eu l’impression de n’avoir suivi le 34ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine que sous notre propre prisme, obnubilé par l’idée de prêcher pour notre chapelle. Il a fallu la rencontre fructueuse avec un homme de culture pour nous souvenir qu’entre autres préoccupations des dirigeants africains, il y avait celle qui, à nos yeux, mérite d’être inscrite dans tous les fora. Il s’agit de la Culture.
Pourquoi Culture avec grand « C » ? Parce que ce mot englobe en vérité tout ce qui identifie un peuple, une société, à commencer par sa pensée et son langage. Parce que, comme nous le démontrent les linguistes, entre le parler dans un idiome véhiculaire ou d’emprunt et parler en usant d’un système langagier qui nous est propre et familier, il y a une différence caractérisée par des déchets qui rendent difficile, voire très difficile la traduction et altère même la compréhension du message. Mais, la culture, c’est au- delà toutes les formes d’expression, coutumier en tant qu’ensemble de principes non-écrits ayant force de loi, vestimentaire, culinaire, artistique, etc. qui distinguent une communauté d’une autre ou révèlent des similitudes entre elles, ce qui peut laisser supposer qu’elles ont soit des origines communes, soit cohabité un moment donné de leur parcours historique.
En affirmant en substance que l’avenir de l’Afrique, c’est la culture, les chefs de nos Etats qui ont décrété la prochaine décennie « décennie de la culture », ont fait preuve de réalisme en invitant avec beaucoup plus de sincérité les Africains à s’enraciner dans leur langue et leur culture qui, seules, ont la capacité de résister à la colonisation. Que constatons-nous lorsque nous achetons un produit manufacturé ou industriel d’importation ? Qu’il porte la marque indélébile du producteur. C’est-à-dire sa langue (Anglais, Mandarin, Français, Japonais et autres) comme pour démontrer l’ascendant technologique et finalement psychologique des peuples parlant ces langues sur nous. La preuve, notre premier réflexe conditionné est de vouloir leur ressembler, faute de modèle propre.

Nos cerveaux sont-ils lessivés à ce point ? Quand nous avons pourtant la même conviction qu’un François Sagan à qui l’on prête la pensée suivante: « la culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié ». Il s’agit profondément d’une prise de conscience essentielle de ce que nous sommes et représentons, non pas pour nous marginaliser, mais pour nous connaître et nous faire connaître et respecter. Un participant au salon du livre 2017 de Casablanca au Maroc, Marocain, ne nous lâchait- il pas : « grâce à vous, nous allons retrouver notre culture africaine ! ». Qu’est-ce à dire ? La réponse restait enfouie dans la mémoire de ce dernier dont nous pouvons simplement imaginer l’état intérieur et les projections.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine réunis lors du 34ème sommet de l’Organisation ont très certainement voulu faire amende honorable, réalisant la faiblesse liée au fait qu’un peu partout sur le continent, la culture soit encore considérée comme le parent pauvre très loin derrière les industries extractives basées sur l’exploitation de produits non-renouvelables, dire qu’il existe bien les industries culturelles non-périssables qui ont l’avantage d’être pérennes en dehors du fait de proposer des choix à l’humanité tout entière. Dans un monde courant vers l’homogénéisation, quelle pourrait être la place de l’Afrique si elle refuse de se penser et de s’asseoir sur un substrat enviable taillé sur ce qu’elle a de richesses traditionnelle et culturelle? L’exemple de certaines puissances asiatiques émergentes peut nous édifier.
Jérémie-Gustave Nzamba