Le nom de ce Producteur-Animateur de la radio africaine était assimilé à ses « Aventures mystérieuses », mais aussi à « Triangle ». C’est dire que son départ dans l’au-delà laisse l’Afrique, terre de mystères par excellence, orpheline.
Depuis le 10 octobre 1984, Augustin Letamba, Directeur des Programmes, et Jacques Barbier Descrozes, Directeur Général d’Africa N° 1, optèrent pour intégrer Patrick Nguema Ndong au sein de la radio émettant de Libreville et de Moyabi au Gabon. Sans tarder, l’artiste s’était fait un nom, répondant aux attentes d’un très large public à en juger par la diversité et le nombre de courriers qu’il recevait quotidiennement. « Pat » comme beaucoup de ses proches l’appelaient affectueusement avait choisi d’œuvrer dans un domaine qui lui collait à la peau, car il était, lui-même, un mystère parfois difficile à décrire même quand vous le côtoyiez chaque jour. Il arrivait qu’il ne réponde pas à une salutation sans que vous n’ayez de problème avec lui ou qu’il hausse le ton pour tenter d’expliquer quelque chose à la limite « banale », pas au sens où elle ne revêtait pas de l’importance, mais peut-être pour faire savoir à son interlocuteur que sa préoccupation n’était pas la sienne à lui.
Multidimensionnel, Patrick l’était. Spirituel aussi à en juger par ses enseignements: maître de karaté, parapsychologue et mwetologue (il fait partie de la famille du grand maître Ntsira Ndong Ntoutoume), il appartenait sans doute aussi à des sociétés secrètes euro-asiatiques. Tout cela le prédisposait, en plus de son potentiel naturel, à assumer ses rôles à Africa N° 1, avec brio allions-nous dire. C’est pourquoi, lorsqu’elle mijota le concept de « l’Aventure mystérieuse », le chef du service Programme de la radio Ghislaine Moussouami, n’eut pas de peine à lui trouver présentateur.
Une fois ses responsabilités prises, l’animateur va se lancer dans une quête du surnaturel en s’appuyant sur l’existant. Ainsi va-t-il créé sa ville imaginaire de Bangos dont le nom, anagramme de Gabon selon ses propres dires, sera attribué à un quartier périphérique de Libreville, la capitale gabonaise. Patrick Nguema Ndong peuplera sa ville de sorciers tels Fifion Ribana et de personnages de tous genres, Atanazief par exemple, qu’il se fera le plaisir de, lui-même, mimer depuis son studio de production, changeant de l’un à l’autre de voix pendant la conversation et les mettant savamment en scène dans une ambiance tantôt lugubre, tantôt joyeuse obtenu grâce à quelques instruments dont des vinyles et des ustensiles de cuisine commandés par lui-même pour donner vie à sa ville imaginaire.
Chaque jour, il recevait des centaines de lettres venant de toute l’Afrique, racontant des histoires pouvant inspirer sa réflexion et donc intégrer sa mise en scène, ce pourquoi il terminait souvent en substance son récit par la phrase : « L’histoire que je vous ai racontée est tirée d’un conte envoyé par M. X de Y ville et Z pays. Si vous aussi, vous avez des histoires, envoyez-les à Patrick Nguema Ndong, l’Aventure mystérieuse, Africa n° 1, BP 1, Libreville (Gabon).
Quant à Triangle, émission interactive, elle était consacrée à la démythification d’une certaine façon de penser et de concevoir la vie que tente d’imposer au commun des mortels une caste de gens se croyant plus aguerris que d’autres du fait de l’usage de pratiques sorcellaires, mystiques ou spirituelles, disons-le comme ça. Tous les jours, du lundi au vendredi, Patrick à travers un thème, lançait un défi à ces derniers à visage découvert sans crainte de représailles, même s’il était maintes fois rappelé à l’ordre par certains « gardiens du temple ». L’illustre disparu donnait l’impression d’être têtu et de n’obéir qu’à sa propre conscience, il n’était en fait que la traduction de son éducation mysthico-spirituelle qui lui donnait logiquement une valeur ajoutée lui permettant d’accomplir des actes relevant de ce que l’on désigne vulgairement par la « magie ».
Avec sa perte, le monde de la Communication africaine regrette une véritable icone qu’il sera difficile de remplacer étant donné que pour lui ressembler, il faut non seulement avoir la compétence, la capacité, la foi, le courage et la volonté pour être le professionnel qu’il a été, mais aussi être, comme lui, initié, mais à quoi ?
Jérémie-Gustave Nzamba